Mécanismes de la perception olfactive
La perception olfactive
L’être humain perçoit les odeurs grâce à la muqueuse olfactive située en haut de la cavité nasale. Pour atteindre cette muqueuse, les molécules volatiles qui se trouvent dans l’air doivent pénétrer dans les narines à une vitesse d’environ 10 km/h qui correspond à une forte inspiration tel le flairage. Nos inspirations normales, elles, ne dépassent guère 2 km/h.
En revanche, les molécules odorantes atteignent plus aisément la muqueuse olfactive lorsque l’on mange ou que l’on boit. Elles remontent vers la muqueuse par le pharynx qui relie l’arrière-bouche au nez : c’est ce que l’on appelle la rétro-olfaction. Arrivées sur cette muqueuse, les molécules volatiles odorantes se posent sur les récepteurs, ce qui provoque l’émission d’influx nerveux. Ceux-ci sont ensuite transmis au cerveau par le nerf olfactif. Extrêmement fragile, la muqueuse olfactive est composée de deux zones de 2 cm2 environ, tapissées de cils microscopiques baignant dans un liquide conducteur qui se renouvelle toutes les deux minutes environ.
Très récemment, on a découvert que l’homme disposait de plus de 350 gènes pour “fabriquer” ces récepteurs munis de cils, responsables de ces sensations nommées odeurs. La répartition et la proportion de ces gènes varient d’un individu à l’autre, ce qui explique que chaque personne perçoive les odeurs de manière très différente. La sensibilité extrêmement diverse de ces cils explique aussi la difficulté de décrire une sensation olfactive autrement que par cette formule : “C’est l’odeur de… "
La perception gustative
Le goût est, en principe, exclusivement lié aux sensations linguales. Transmises par trois nerfs, celles-ci arrivent au cerveau en même temps que les sensations olfactives. Elles sont bientôt rejointes par les sensations tactiles et thermiques qui enrichissent le message multisensoriel témoin de l’entrée de tout aliment dans notre bouche. En effet, on a remarqué qu’un aliment pouvait être apprécié ou rejeté aussi bien pour son odeur, sa texture ou son aspect que pour son goût. Il est cependant rare qu’il soit rejeté en même temps pour ces quatre sensations.
Ainsi réunies à leur entrée dans le cerveau, les sensations venues de la bouche vont se répartir dans trois zones cérébrales distinctes pour y subir trois sorts :
- à l’avant du cerveau, elles deviennent des perceptions conscientes ;
- sur les côtés du cerveau, elles se transforment en souvenirs ;
- à la base du cerveau, elles arrivent dans un centre baptisé “centre du plaisir” qui leur confère leur caractère plus ou moins agréable.
Certains types d’odeurs peuvent arriver sur un autre centre qui provoque la faim ou la satiété.
L’héritage génétique définit notre goût
Le goût est perçu par les papilles gustatives de la langue, qui abritent les bourgeons du goût, eux-mêmes munis de récepteurs. Pendant longtemps, on a pensé qu’ils n’étaient sensibilisés que par quatre saveurs : le sucré, le salé, l’acide et l’amer.
Les recherches sur le génome humain viennent de montrer que nos récepteurs gustatifs étaient déterminés par plus de 50 gènes provenant à parts égales de nos géniteurs. Ces gènes initient la synthèse de ces récepteurs dans des proportions différentes, ce qui explique que certains individus soient plus sensibles que d’autres à certaines saveurs.
Ainsi, personne ne peut percevoir le goût d’un aliment comme son voisin, et chaque individu est aussi unique que ses sensations gustatives lui sont propres.
Compte tenu de cette extrême diversité de gènes, on sait que l’homme peut percevoir, distinguer et reconnaître un nombre quasi illimité de saveurs qui forment un continuum de sensations souvent difficiles à décrire.
QU’EST-CE QU’UNE MOLECULE ODORANTE ?
Toutes les matières sont odorantes mais nous ne percevons que celles qui sont volatiles et qui peuvent être véhiculées par l’air jusqu’à notre centre de perception : la muqueuse olfactive. Lorsque l’on saigne du nez, par exemple, on peut même sentir le fer de l’hémoglobine !
L’interprétation du cerveau
Le centre du plaisir regroupe les informations des nerfs liés à l’audition, la vue, aux sensations tactiles et thermiques. Il enclenche le processus d’interprétation de ce que nous voyons, sentons, goûtons, entendons, et dicte instinctivement notre comportement.
Si, par exemple, nous trouvons un aliment mauvais, nous afficherons une mine de dégoût, à moins que, conditionnés par une bonne éducation, nous ayons appris à maîtriser nos expressions. Ce centre, s’il perçoit une sensation, ne l’identifie pas pour autant. L’identification se fait grâce à la mémoire où une “image”, parfois associée à des mots clefs, qui sera enregistrée.
En ce qui concerne le goût mais surtout l’odorat, on a constaté que la sensation perçue dans le centre du plaisir ne prenait une dimension agréable que si elle avait déjà été mémorisée. D’ailleurs, elle sera d’autant plus agréable que l’image se sera formée dans le cerveau à un moment où l’on était heureux : c’est le phénomène de la madeleine de Proust. Le vécu et l’éducation sont donc des éléments clefs pour comprendre notre jugement sur les goûts et les odeurs.
La mémorisation des sensations grâce au langage
Les sensations que le cerveau emmagasine sont innombrables. Elles permettent de reconnaître un individu, un paysage, une mélodie, des odeurs. Dans notre civilisation, nous sommes habitués à nommer les objets, les personnes, les couleurs mais plus rarement les goûts et les odeurs.
Ainsi, de nombreuses personnes pensent être démunies d’odorat, faute de pouvoir formuler leurs sensations alors qu’elles sentent parfaitement. Cette frustration leur fait rejeter totalement ce sens. Or, dès qu’une odeur est perçue, elle est envoyée vers le centre de la mémoire pour être identifiée par des mots ou, à défaut, par des images. Ces images, bien que très personnelles, ont autant de valeur qu’un descriptif technique ou un vocabulaire de parfumeur. Il faut donc décomplexer ceux ou celles qui, au lieu de trouver un terme précis, décrivent une odeur par un souvenir de leur vie.
Par exemple, une odeur de fraise peut être associée aux mots suivants :
- " … enfance, vacances, été, confiture, campagne, panier de fruits, salle à manger, soleil, dessert, sirop” selon le moment ou le lieu où l’on a senti une odeur de fraise ;
- pour d’autres, elle sera résumée à la fraise Tagada ou au chewing-gum ;
- les parfumeurs ou les aromaticiens, la décriront comme “ethyl methyl phenyl glycidate” (autrefois appelé aldéhyde C16), ou “fruité montant, acide, frais, végétal”…
- pour un œnologue ou œnophile, la fraise évoquera le cépage de gamay…
Tout le monde aura raison dans cette énumération d’adjectifs disparates car ils permettent au cerveau de chacun de retrouver le terme “fraise”. Le cheminement est direct pour les initiés, plus tortueux pour ceux qui n’ont jamais cherché à utiliser leur sens de l’odorat.
L’entraînement de la mémoire olfactive est donc très facile : il suffit d’analyser une sensation et de lui attribuer des qualificatifs. Ce sont ces descripteurs qui amèneront naturellement notre esprit à trouver la bonne réponse dans notre cerveau. C’est pourquoi aussi, nous offrons plusieurs adjectifs pour décrire une odeur dans les pages “arômes”.
Sentir et déguster : des expériences éminemment personnelles
Comment un goût pourrait-il exister sans un être vivant pour le percevoir ? En effet, le goût n’est pas une propriété intrinsèque d’un aliment, comme cela a été supposé jusqu’au milieu du 20ème siècle, mais bien une représentation mentale des stimulations transmises par nos sens.
Ainsi, un aliment n’a de goût qu’à partir du moment où il entre en contact avec les récepteurs sensoriels de celui qui le consomme.
Et comme les récepteurs gustatifs sont extrêmement variables d’une personne à une autre, on peut dire sans exagération que le goût caractérise autant l’aliment dégusté que l’individu qui le déguste.